Cet espace a été ouvert il y a 15 ans : c´était un grenier, il jouxtait la pièce atelier peinture et s´est retrouvé utilise comme lieu d´expression libre selon le concept du " clos lieu " d´Arno STERN.
Pour Arno STERN ce « clos lieu » est caractérisé par l’absence de compétition. Avec un pinceau à la main l’enfant apprend à être « il part à la découverte de lui-même, la réussite sociale n’est pas son ambition, il découvre des capacités qu’il ne connaissait pas, ne soupçonnait pas, il fait l’expérience de son autonomie au milieu des autres dans le respect des différences, il apprend à exister dans le un groupe ».
L’atelier peinture libre a été mis en place pour les plus jeunes de l’Institution IMP, il s’est vite trouvé investi par des adolescents qui éprouvaient le besoin de s’extraire à certains moments du grand groupe de l’atelier (besoin de tranquillité quand le groupe est agité, excité, tendu ou quand eux-mêmes se trouvent dans cet état).
Pour les petits de l’IMP, le lieu grenier est un endroit d’expression qui leur permet de « s’unifier », de se construire dans le groupe afin d’échanger, de parler avec l’autre, d’être avec les autres, apprendre à exister parmi les autres.
Cet espace repose sur trois règles fondamentales qui peuvent être détournées intuitivement selon les personnes par le garant du cadre (pour le 1 et le 2) suivant les problématiques.
1 – Aucune peinture ne doit être déchirée ou détruite car c’est le respect du cadre pictural qu’est la feuille blanche qui permet de s’exprimer librement dedans (ne pas aller sur la feuille des autres…).
2 – Aucune réflexion ou jugement de valeur ne doit être émis sinon personne n’osera s’exprimer librement, on doit pouvoir échanger sans juger, en respectant l’autre on apprend à se respecter soi-même.
3 – Aucune réalisation ne sort de l’atelier. Dans un premier temps, les peintures sont restituées au référent de chaque groupe (IMP) dans la semaine qui suit la production : l’acte de peindre est une projection de soi, ce qui se livre en cours de séances est de l’ordre de l’intime et se doit de revenir dans le lieu du groupe actant. La matérialité de la peinture a à voir avec le corps, la sensorialité et la sensibilité et peut se travailler en-deçà et au-delà de l’atelier.
LE LIEU :
La table palette Arno STERN avec un pot par couleur et un pinceau par pot (dans le protocole STERN il en faut 3) : pas de pot pour rincer chaque pinceau, la population accueillie a du mal (les plus petits surtout) à respecter la consigne « chaque pinceau dans sa couleur », et le pot de rinçage sert souvent d’abreuvoir. Les enfants peuvent peindre avec les mains.
Le jeune va de la table à sa feuille. Il marque, fait, trace, remplit l’espace de la feuille puis revient à la table palette, échange avec un camarade, prend une autre couleur et repart vers son espace feuille.
Dans cette promenade table-palette-feuille, il est rare qu’il y ait collusion sauf si elles sont voulues, ce qui se produit peu.
JOUER SUR L’ESPACE TEMPS :
La personne peut laisser tomber ses défenses sociales, laisser émerger ses émotions, l’espace temps mis en place, là, prend une valeur de CONTENANT, là il devient une sorte d’enveloppe symbolique qui ouvre des espaces de liberté.
C’est un jeu qui s’installe entre la feuille, lieu de création et la table palette de couleur, lieu d’échange et de rencontre.
RITE ET RITUEL (usage, coutume) – heures d’entrée et de sortie :
Le rite d’entrée dans l’atelier est toujours le même : mise de la blouse à l’extérieur de l’atelier, passage de la porte et chacun prend place (parfois c’est la même, parfois il y a des changements). Alors le temps d’atelier peut commencer. Le groupe est placé dans cet espace temps et se l’approprie.
Le rite de « quittance » est toujours le même, la peinture terminée, la personne sort du lieu, quitte le tablier, se lave les mains et intègre l’espace « sas » atelier peinture1, ou elle peut se poser, se reposer, prendre des livres, dessiner, faire des jeux en attendant que le reste du groupe passe la porte du grenier.
La personne peut aussi, si elle le désire, rester dans le coin grenier, des chaises sont à dispositions, pour attendre et participer au groupe d’une autre façon avant la sortie du cadre.
COMMUNICATION : la peinture comme langage :
La peinture pour moi, comme tout autre mode d’expression, est le langage. Cf. Annie BOYER : « c’est d’abord un mode d’expression individuel, expression faisant suite à la redécouverte de sa propre personne. Dans un second temps, c’est un mode de communication et donc l’ouverture vers un dialogue ».
L’utilisation de la peinture dans un espace de liberté permet de renouer la relation humaine, elle dégage pour la personne un espace sensoriel avec un potentiel expressif. C’est un autre langage qui apparaît, qui peut permettre un nouvel échange avec le monde ordinaire.
La personne handicapée peut trouver dans son langage créatif un moyen adapté afin de se libérer de tout ce qui la limite, la sépare, l’exclut. Par le biais elle peut retrouver son unité en affirmant sa singularité.
Notion de QUI s’adresse à QUI ?
Ce n’est pas un bout de corps que l’on laisse, c’est un objet détaché, séparé, nouveau but qui peut être atteint, regardé, montré, un objet qui est Adressé.
L’important pour l’humain est, pour moi, de la notion de l’ADRESSE. Adresse qui signe la communication…. toute communication.
A l’IMP, la sortie des peintures se fait à l’adresse du lieu de l’éducatrice référente qui en dispose avec le groupe et en décide l’exposition. Dans un autre temps, certaines productions sont encadrées (dimension de détachement des travaux) et exposées sur les murs de l’institution : 1 : première connaissance et reconnaissance de l’autre qui peut produire de l’échange, de la communication.
Dans leur histoire, certaines peintures se retrouvent dans des expositions à l’extérieur. Ces expositions sont visitées par les acteurs, auteurs, là ils peuvent reconnaître leur travail avec souvent de la fierté et du détachement, ils se trouvent reconnus à l’extérieur en véritable créateurs, acteurs d’œuvres picturales qui sont AUTHENTIQUES et reflètent la personnalité et la vérité de CHACUN.
